L’animation de la « réserve numérique » par la mission numérique de la gendarmerie nationale a démontré qu’elle est un outil agile, facilitant et même accélérant l’adaptation de la gendarmerie aux évolutions du numérique, dès lors qu’elle est pilotée dans une logique de coordination des projets et de mutualisation des besoins des différents services, centraux comme déconcentrés. Ainsi, la réserve numérique de la gendarmerie a toute sa place au cœur de l’action « répondre présent pour la population, par le gendarme » est d’ailleurs la devise du plan de transformation Gend20.24 initié par le GAR Rodriguez en décembre 2019, en cohérence avec les réformes entreprises par ses prédécesseurs, les généraux Favier et Lizurey.

La réserve de la gendarmerie au cœur de l’action pour la citoyenneté

À l’invitation de la ministre déléguée à la citoyenneté, Marlène Schiappa, lors de la présentation de sa feuille de route le 31 août dernier[1], le général d’armée Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale, a pu rappeler la contribution de ses services à la cohésion nationale, et plus particulièrement à quel point la réserve de la gendarmerie nationale – 30 000 réservistes, 42 % des effectifs de la garde nationale – incarne l’engagement citoyen.

« Être réserviste, c’est être deux fois citoyens » : citant Sir Winston Churchill, le GAR Rodriguez a mis en lumière la richesse de la réserve de la gendarmerie, véritable miroir de la diversité de la société française.

Près des trois quarts des réservistes sont issus de la société civile, des anciens de l’arme et des actifs et retraités des services publics constituant le « gros » quart restant. On y retrouve à peu près toutes les compétences et tous les métiers – une aubaine pour la gendarmerie qui peut ainsi quotidiennement compléter ses effectifs opérationnels par les compétences venant à lui manquer. L’engagement des femmes dans cette institution militaire y est élevé (> 20 %), de même que la proportion de jeunes adultes de moins de trente ans (un tiers des réservistes opérationnels).

Évoquant le sens de l’engagement des étudiants qui quotidiennement renforcent ses rangs, le GAR Rodriguez a témoigné de leur recherche de valeurs partagées, des valeurs républicaines. « Une sorte de respiration » est apportée par ces jeunes engagés volontaires dans la réserve opérationnelle, dont on peut louer le civisme[2]. L’ancrage territorial des réserves, le fait que les réservistes puissent travailler près de chez eux, est un facteur d’attractivité supplémentaire, et une richesse pour la gendarmerie qui a la volonté d’être au plus près de la population. « Répondre présent pour la population, par le gendarme » est d’ailleurs la devise du « plan de transformation Gend20.24 » initié par le GAR Rodriguez en décembre 2019, en cohérence avec les réformes entreprises précédemment.

Le dispositif des « cadets de la gendarmerie » accueille les filles et les garçons de moins de 17 ans alors trop jeunes pour être réservistes, mais souhaitant s’engager comme leurs aînés pour être au contact des gens dans des missions ayant du sens ; ce dispositif constitue le socle sur lequel la gendarmerie construit actuellement sa contribution au service national universel. Ce dispositif est l’un des moyens retenus par la ministre déléguée à la citoyenneté, pour développer les possibilités d’engagement citoyen dès le plus jeune âge – c’est l’un de ses objectifs relatifs aux questions de laïcité, de fraternité, d’intégration citoyenne et de cohésion nationale, les axes majeurs de son action étant : « faire vivre les valeurs de la République » et « incarner la République qui protège ».

C’est ainsi que « la réserve de la gendarmerie est au cœur de l’action pour la citoyenneté »[3].

Le GAR Rodriguez n’a pas manqué de souligner également l’apport des réservistes citoyens de la gendarmerie, moins nombreux (un peu plus d’un millier), au statut de bénévoles du service public et non de militaires. Dotés de compétences rares, ces réservistes contribuent notamment à la sélection des hauts potentiels de la gendarmerie et à « challenger » l’image de l’institution.

La mobilisation de la réserve gendarmerie dans la crise

La réserve de la gendarmerie a démontré plusieurs fois sa capacité de mobilisation et son efficacité dans la gestion des crises qui secouent notre pays. En 2017, la gendarmerie a déployé des moyens conséquents pour porter assistance à la population de Saint-Martin et assurer sa sécurité ; près de 150 réservistes volontaires y furent projetés, mettant entre parenthèses pendant plusieurs semaines voire plusieurs mois leur activité professionnelle et leur vie de famille.

Un même élan de fraternité et de solidarité a animé les milliers de réservistes opérationnels et citoyens pendant la crise COVID-19, en renfort des initiatives locales et nationales des gendarmes qui ont spontanément « répondu présent » pour soutenir la population en détresse, tout en assurant prioritairement le contrôle des mesures sanitaires visant à freiner la propagation du virus. Ainsi la sécurisation des bureaux de poste sensibles pendant le confinement et le début du dé-confinement s’est appuyée sur plusieurs centaines de réservistes.

L’impatience des réservistes à être employés dès le début de la crise a nécessité la diffusion d’un message du général de division Olivier Kim, commandant des réserves gendarmerie (CRG), rappelant, en écho au GAR Rodriguez, « qu’on n’engage pas en premier échelon, dans une crise, sa réserve, sinon, ce n’est plus une réserve ».

Sur le front du cyberespace, le confinement provoquant les conditions d’une hausse de la cybercriminalité, la gendarmerie a conduit une manœuvre pour éviter une sur-crise cyber, mobilisant à la fois ses services d’ingénierie de ses systèmes d’information, les référents sûreté et référents sécurité économique et protection des entreprises, les sections opérationnelles de lutte contre la cybercriminalité (SOLC), les groupes cyber des sections de recherche (SR), le centre de lutte contre les cybercriminalités (C3N), etc.

Leur mission : PRÉVENIR et SE PROTÉGER, RENSEIGNER et INFORMER, COMMUNIQUER, SE PROJETER et ENQUÊTER, le tout dans une logique de partenariat avec le monde associatif et professionnel et en coordination avec l’ensemble des acteurs ministériels (notamment DGPN et secrétariat général) et interministériels, au niveau central et territorial.

Les directives opérationnelles cyber précisaient le soutien attendu des personnels confinés, en télétravail et des réservistes numériques dans les démarches de prévention auprès des collectivités, des établissements publics et des entreprises des secteurs particulièrement menacés. Ainsi, réservistes opérationnels et citoyens « numériques » purent participer à distance aux travaux de certaines SR et aux campagnes de sensibilisation par téléphone, courrier électronique et webinaires organisées à l’échelon départemental ou régional. Certains ont été très prompts à proposer des supports de sensibilisation pour les entreprises et les salariés en télétravail, qui ont été diffusés par le SIRPA-G.

Les réservistes « numériques »

Le réseau des réservistes « numériques » est constitué de près de deux cents réservistes opérationnels et réservistes citoyens de la gendarmerie nationale, de métiers divers (magistrats, avocats, enseignants, chercheurs, anciens gendarmes, chefs d’entreprise, directeurs sécurité, responsables sécurité des systèmes d’information, ingénieurs conseils, architectes informatique, responsables réseaux, webmestres, etc.) des deux sexes et de tous âges. Ils ont en commun un civisme incontestable (certains étant membres de plusieurs associations, élus locaux ou territoriaux), un fort intérêt pour le numérique et la sécurité du numérique et des compétences reconnues dans ce domaine.

Réunis en 2017 par le chef de la mission numérique de la gendarmerie nationale (MNGN), le Colonel Eric Freyssinet, avec l’appui du CRG, ils forment la réserve numérique qui inclut les membres de la réserve cyber, ces deux dernières étant animées en région par un officier de gendarmerie.

Articulation avec la réserve « cyber »

La réserve cyber, qui dispose d’un vivier plus resserré que la réserve numérique, est l’héritière de la réserve citoyenne de cyberdéfense créée conjointement en 2012 par les armées et la gendarmerie, dans une perspective interministérielle. Ses missions et son organisation ont été précisées par Guillaume Poupard, directeur général de l’ANSSI, le général Olivier Bonnet de Paillerets commandant alors le COMCYBER, et le COL Freyssinet, représentant le directeur général de la gendarmerie, lors du séminaire national des réservistes cyber en septembre 2018 à la direction générale de la gendarmerie nationale, organisé par la MNGN avec l’actif soutien du COMCYBER et de l’ANSSI. L’idée ancienne de constituer une réserve mobilisable et projetable en cas de crise auprès des organismes d’importance vitale attaqués, avait perdu de sa pertinence face aux conditions nécessaires à sa mise en œuvre. La nouvelle orientation stratégique était alors de faire de la réserve cyber une réserve d’emploi, mobilisée régulièrement pour les besoins des institutions réunies dans une gouvernance tripartite bénéficiant, pour l’animation déconcentrée des activités de la réserve cyber, du maillage territorial de la gendarmerie.

Les réservistes « cyber » de la gendarmerie interviennent ainsi en appui des gendarmes dans leurs diverses actions de prévention des cybermenaces. D’autres initiatives lancées bien avant la création de la réserve cyber, tel le forum annuel du Rhin supérieur sur les cybermenaces (organisé par la gendarmerie d’Alsace et les officiers de la réserve citoyenne réunis au sein de l’association Ad Honores réseau Alsace), perdurent dans ce cadre.

La participation de la réserve numérique à la gestion de crises

Pour autant, la crise COVID-19 a permis d’approfondir encore les besoins et les conditions de renfort des réservistes dans un contexte de crise numérique d’ampleur nationale ou ciblant la gendarmerie, ou de crise de toute nature comportant un volet numérique.

Ainsi la gendarmerie nationale prévoit dans son dispositif de gestion de crises numériques, la capacité de mobiliser des réservistes « numériques » – ceux disposant d’une expertise en sécurité des systèmes d’information, mais aussi tous ceux qui peuvent contribuer à l’analyse de risques, à l’anticipation, à la mise en œuvre rapide d’outils s’avérant utiles à la manœuvre, à la capitalisation d’expériences, à la communication, etc.

La réserve numérique au cœur de la sécurité des nouvelles frontières

Au-delà de ce contexte particulier de crise, les réservistes comme tous les autres gendarmes au sens large, sont au cœur de l’exécution de la mission de la gendarmerie, et au cœur de la transformation de la « maison ». Le plan de transformation « Gend20.24 » s’articule autour de quatre missions prioritaires, dont l’une est la sécurité des « nouvelles frontières » (cyberespace, monde numérique, données et algorithmes, bio sécurité et protection de l’environnement).

Cette transformation repose sur quatre piliers :

  • une offre de protection sur mesure avec l’ambition de mieux protéger la population ;
  • une communauté de la transformation permettant de mieux progresser dans le travail quotidien, de donner du sens à l’action, d’innover collectivement, d’améliorer la gestion des carrières et les conditions de vie et de travail ;
  • l’innovation technologique pour accompagner les gendarmes dans l’exercice de leur métier avec des outils adaptés à leurs besoins ;
  • la recherche de nouvelles marges de manœuvre opérationnelles, au moyen notamment d’une gouvernance agile, d’une véritable stratégie de la donnée et de la recherche de nouvelles ressources financières.

La sécurité « dès la conception » : un principe constitutif de la réserve numérique

Associer des réservistes ayant des compétences complémentaires sur l’ensemble du périmètre des « nouvelles frontières numériques » fait donc sens également dans ce contexte. « La sécurité dès la conception » est une réelle nécessité pour une transformation numérique clairvoyante.

Dans la logique de ses missions exploratoires et stratégiques, la MNGN a animé le réseau des réservistes numériques de la gendarmerie en testant des approches innovantes, telles que :

  • l’intervention de réservistes à toutes les étapes de la conception, du développement et de l’homologation de sécurité d’un logiciel, avec l’API « @Gend&Vous », pour permettre la prise de rendez-vous en ligne avec la brigade la plus proche pour certaines démarches, depuis le site lannuaire.service-public.fr; à cette occasion la MNGN a expérimenté dès 2018 la nouvelle méthode « EBIOS Risk Manager » pour les premières étapes de l’analyse des risques avec un petit groupe de réservistes en audioconférence, ainsi que la constitution d’une équipe d’audit SSI interne pour l’analyse du code source suivant les recommandations de l’ANSSI ;
  • l’accompagnement des gendarmes promoteurs de projets numériques innovants pour l’intégration de la sécurité dès la conception.

Le séminaire des réservistes numériques en l’école des officiers de la gendarmerie nationale, en septembre 2019, a confirmé la pertinence et la richesse, tant pour la gendarmerie que pour les réservistes eux-mêmes, de faire travailler ensemble des réservistes opérationnels et des réservistes citoyens.

Cette approche inhabituelle faisant fi des grades pour mobiliser les compétences personnelles sur des missions communes, permet à la gendarmerie de bénéficier ponctuellement de compétences rares déjà initiées à son contexte particulier.

Pour leur part, les jeunes experts du numérique engagés dans la réserve opérationnelle par civisme, par envie de contribuer à l’ordre public dans un cadre militaire sans s’y engager à temps plein ni sacrifier leur métier, s’accordent parfaitement avec les réservistes opérationnels galonnés et les réservistes citoyens, qui sont généralement dans une logique de transmission de leur expertise et d’enseignement de leur longue expérience ; cette cohésion génère pour les uns et les autres des opportunités exceptionnelles.

L’animation de la « réserve numérique » par la MNGN – laquelle a désormais rejoint le service de la transformation (ST), au sein du département de la prospective et de l’innovation – s’appuyant sur la proximité des coordinateurs de la réserve cyber en région et sur ses contacts avec l’ensemble des services de la gendarmerie intéressés par son renfort, a permis de tisser des liens plus collectifs et donc plus pérennes avec les réservistes.

Cette animation a démontré qu’elle est un outil agile, facilitant et même accélérant l’adaptation de la gendarmerie aux évolutions du numérique, dès lors qu’elle est pilotée dans une logique de coordination des projets et de mutualisation des besoins des différents services, centraux comme déconcentrés.

Ainsi, la réserve numérique de la gendarmerie a toute sa place au cœur de l’action « répondre présent pour la population, par le gendarme » dans les nouveaux défis numériques.

[1]https://www.facebook.com/Interieur.Gouv/videos/788912291884789/?vh=e&extid=iukCtEajmn43vXsV&d=n

[2] Civisme : Zèle du citoyen pour les intérêts de son pays. Pendant la Révolution française, on délivrait des certificats de civisme. (Dictionnaire de l’Académie française).

[3]https://www.gendinfo.fr/actualites/2020/la-reserve-de-la-gendarmerie-au-caeur-de-l-action-pour-la-citoyennete

 

Une tribune « Parole d’Expert » de Florence ESSELIN, Conseiller expert en numérique et cybersécurité au cabinet du directeur général de la gendarmerie nationale

 

 

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