Dans la continuité de mes travaux à l’Assemblée nationale sur les questions liées aux nouvelles technologies, et dans la continuité de mes engagements sur les questions de sécurité, et notamment comme rapporteur du projet de loi Responsabilité pénale et sécurité intérieure, voté cette semaine à l’Assemblée nationale, j’ai remis le 9 septembre dernier au Premier ministre mon rapport sur « l’utilisation des nouvelles technologies dans le domaine de la sécurité ».
Pour conduire mes travaux, et face au large champ des nouvelles technologies de sécurité, j’ai souhaité retenir une approche opérationnelle et pragmatique en définissant les usages qui semblent prioritaires.
Les technologies offrent, en effet, désormais de nouvelles opportunités aux acteurs publics dans le champ de la sécurité. Elles sont des outils qui peuvent aider l’action des forces, en leur fournissant une aide à la décision et un appui opérationnel dans une société toujours plus complexe.
Par ailleurs, les forces de sécurité sont confrontées à de nouvelles menaces qui reposent sur l’utilisation croissante du numérique. Il existe, de ce fait, un risque d’asymétrie entre les moyens des forces et ceux de leurs adversaires.
C’est la raison pour laquelle nous devons moderniser les outils des forces et leurs équipements, à la fois pour répondre à leurs besoins structurels mais aussi en prévision des grands évènements sportifs que la France accueillera. Les grands évènements sportifs concentreront des enjeux forts en matière de sécurité qui doivent être anticipés en procédant à des expérimentations.
Il faut pour cela déterminer quelles sont les expérimentations qui auront lieu à droit constant et quelles sont celles qui doivent être autorisées par voie réglementaire ou législative, mais aussi ouvrir les crédits nécessaires à leur financement.
Les technologies de sécurité sont pour la France un enjeu de souveraineté et une opportunité industrielle et économique.
Nous disposons d’acteurs industriels de pointe dans le secteur de la sécurité qui sont pourvoyeurs d’emploi mais aussi de recettes à l’exportation. Le renforcement de notre base industrielle est un enjeu de souveraineté technologique afin de conserver notre autonomie dans la définition de nos choix stratégiques. Nous devons accompagner le développement de nos entreprises à l’international, mais aussi mobiliser plus largement l’investissement et la commande publics pour renforcer la filière française de sécurité.
Les cas d’usage doivent être déterminés au cas par cas et assortis de garanties strictes
Mais ces technologies soulèvent des enjeux majeurs pour les libertés et suscitent des craintes quand elles sont employées à des fins de sécurité.
Ces craintes portent sur la protection de la vie privée et des données personnelles. En particulier, le traitement des données biométriques et l’opacité associée à certaines technologies, comme l’effet « boîte noire » des algorithmes d’intelligence artificielle, font l’objet de préoccupations spécifiques.
L’emploi de ces technologies par les forces de sécurité n’est pas anodin et c’est la raison pour laquelle les cas d’usage doivent être déterminés au cas par cas et assortis de garanties strictes.
Dans le climat de défiance que ressent une partie de la population vis-à-vis de l’État et de la fonction de sécurité qui lui est confiée, l’emploi des nouvelles technologies par les forces de sécurité peut être aussi associé à la surveillance de masse.
C’est la raison pour laquelle je crois qu’il est indispensable d’inscrire l’emploi des technologies de sécurité dans un pacte de confiance plus large entre les forces et la population.
Dans cette optique, j’ai souhaité déterminer de manière opérationnelle et pragmatique les technologies de sécurité qui sont prioritaires au regard de trois critères : répondre aux besoins des forces, préserver les libertés, privilégier des technologies mûres d’un point de vue technique.
Expérimenter en situation réelle
C’est ainsi que je pense qu’il faut expérimenter en situation réelle les technologies qui facilitent l’identification des situations de danger.
A court terme, il s’agit de tester les technologies qui permettent de détecter de manière automatisée des anomalies dans l’espace public et de renforcer les contrôles d’accès à des sites sensibles pendant les jeux olympiques (par exemple à l’aide de scanners corporels).
A moyen terme, il est nécessaire de répondre aux besoins structurels des forces de sécurité en autorisant à titre expérimental l’exploitation automatique des données rendues publiques par les utilisateurs sur Internet pour identifier des situations anormales de danger.
Il est aussi possible de permettre la constitution de jeux d’apprentissage de données réelles afin de favoriser les projets de R&D en matière d’intelligence artificielle.
J’appelle aussi à bien peser l’équilibre entre l’intérêt que peuvent représenter les nouvelles technologies biométriques et leur caractère intrusif. Les techniques biométriques sont celles qui suscitent le plus d’inquiétudes dans le débat public.
Si des dispositifs d’authentification biométrique peuvent être déployés dans le cadre des grands évènements afin de sécuriser l’accès aux sites sensibles, l’identification biométrique en temps réel dans l’espace public doit faire l’objet d’une approche prudente et progressive compte tenu de son caractère particulièrement intrusif pour la vie privée.
C’est la raison pour laquelle l’ouverture d’un cadre d’expérimentation en situation réelle devrait être soumis au débat public dans un premier temps pour les usages les plus graves dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.
Enfin, il faut que les équipements des forces de sécurité soient modernisés en clarifiant le régime juridique de la captation d’images par drones mais aussi par caméras embarquées.
Toutefois au regard des inquiétudes qui se font jour quant à l’impact pour les libertés, il nous faut apporter des garanties à l’emploi des technologies de sécurité afin de construire une relation de confiance entre les forces et les Français.
L’action des forces de sécurité doit être guidée par plusieurs principes communs : maîtrise de la technologie par l’humain, maturité technologique, solutions souveraines pour les usages les plus critiques.
Nécessité d’accroître la confiance
Il convient également de protéger nos données personnelles et de soutenir aux expérimentations. Nous devons collectivement nous mobiliser pour décider ensemble des usages des nouvelles technologies.
Plusieurs facteurs viennent aujourd’hui expliquer les difficultés à accepter l’emploi des technologies dans le champ de la sécurité : le manque d’information et la polarisation croissante du débat public, la réticence au partage de données et le climat de défiance envers les institutions qui dépasse le seul champ de la sécurité.
Il est possible d’accroître la confiance dans les nouvelles technologies en sensibilisant et en formant le grand public mais aussi en gagnant en transparence, par exemple en organisant la feuille de route du ministère de l’Intérieur sur l’ouverture des données et des codes sources.
Il serait donc souhaitable de décider collectivement de nos choix de société en organisant un débat public sur les grandes évolutions technologiques sur le modèle des lois bioéthiques.
Il est enfin nécessaire, au même titre que pour tout outil sensible, de superviser l’emploi des technologies par les forces sécurité.
L’action des forces de sécurité pourrait être mieux évaluée en sollicitant, de manière plus systématique, les inspections sur l’emploi par les forces de sécurité des nouvelles technologies.
Les pouvoirs et les moyens qui sont alloués aux autorités de contrôle pourraient être renforcés, dans la mesure où ils sont indispensables pour articuler soigneusement les libertés avec les nécessités de sécurité publique.
Je me félicite que, d’ores et déjà, suite à l’adoption en première lecture cette semaine du projet de loi responsabilité pénale et sécurité intérieure, dont j’étais rapporteur, nous permettions par la loi, la possibilité aux forces de police, de gendarmerie et aux douanes de recourir aux caméras aéroportées ou embarquées pour des finalités désormais clairement définies.
Parce qu’il nous faut apporter soutien, protection et reconnaissance à nos forces de l’ordre, je me réjouis des annonces du Président de la République dans le cadre de la clôture du Beauvau de la Sécurité, et notamment de la présentation en janvier prochain en conseil des ministres de la Loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.
Il est en effet primordial de construire un plan de modernisation de la politique publique de sécurité au bénéfice des policiers, des gendarmes et de l’ensemble des Français. Nous nous devons de penser la police et la gendarmerie de 2030.