La cybermenace en milieu maritime
Mag Securs, le 12 avril 2016

Les deuxièmes Rencontres Parlementaires Cyber et Milieu Maritime, avaient lieu le 7 avril 2016 à Paris. Elles ont été l’occasion de montrer l’importance grandissante de la cybermenace et des nécessaires mesures de cybersécurité dans le milieu maritime.

La mer est par essence un espace ouvert, hostile aux frontières, et où toutes sortes de trafics et de piraterie se développent. D’autres argumenteront que c’est un des derniers grands espaces de liberté qui restent…

C’est aussi un formidable gisement de puissance économique : il suffit de savoir que 80% du commerce mondial transite par la mer, que les câbles acheminant la majorité du trafic Internet de la planète sont des câbles sous-marins, et qu’une grande partie des futures ressources industrielles (notamment les terres rares) se trouvent sous la mer. Ce qui motive, pour l’avenir, un développement économique peut-être sans précédent pour les espaces maritimes, un accroissement du trafic… et des menaces, notamment des cybermenaces, puisque, pas plus que les systèmes terrestres, les systèmes maritimes peuvent être fiables à 100%. Sauf qu’une attaque en mer peut avoir beaucoup plus de conséquences qu’à terre…

Attaques via la supply chain

Or, comme l’explique Jean-Michel Orozco, nouveau responsable de la cybersécurité et de la sécurité des systèmes navals chez DCNS, « un bâtiment est construit pour plusieurs dizaines d’années. Mais la cyber et les attaques vont vite ». Les attaques s’opèrent via la « supply chain», et les fournisseurs. Or, plus aucun bateau ne se pilote sans système d’information, même si on apprend toujours, paraît-il, aux officiers à faire le point avec un sextant… Sans compter que plus un seul marin partant pour plusieurs semaines de mer n’accepte de rester sans connexion Internet, à quelques rares exceptions. Bref, les systèmes informatiques maritimes n’échappent pas aux contraintes de leurs jumeaux terrestres : ils doivent être efficaces, performants, mais aussi résilients. Or, il est facile de leurrer un système maritime ou portuaire… Le Contre-Amiral Dominique Riban, directeur adjoint de l’ANSSI, cite ainsi l’exemple de containers chargés de drogue, qui, grâce à une manipulation pirate, disparaissaient et réapparaissaient dans le port d’Anvers sans en être, en ce qui concerne les échanges informatiques concernant le détail de la cargaison, jamais sortis…  Le Vice-Amiral Anne Cullerre, autorité cyberdéfense de la Marine Nationale, invitée lors de la manifestation, souligne la fragilité des systèmes industriels sur les bâtiments. Elle témoigne aussi de « la culture du management du risque » des marins, et du fait que « toutes les mises en condition opérationnelles incluent un volet cyber ». Quelques jours plus tôt, l’Amiral Bernard Rogel, chef d’état-major de la Marine, rappelait l’importance de la cybersécurité dans le déploiement des opérations de la Marine.

La nécessaire formation aux enjeux cyber du milieu maritime

Enfin, pour la plupart des acteurs présents, la formation spécifique aux enjeux cyber de la maritimisation des espaces semble un impératif : l’Ecole Navale s’est penchée sur la cybersécurité concernant le volet militaire, mais des organismes ont aussi mis en place des modules de formation spécifiques aux enjeux cyber : le Port de Marseille dont le RSSI, Paul Franquart, était présent, s’est intéressé dès 2001 à la sécurité des systèmes d’information, et a mis en place un module de formation de deux jours à l’intention des DSI et des RSSI des ports français : une initiative à suivre.